La dénonciation des accords collectifs

Article réalisé par le Cabinet Janvier & Associés.

La dénonciation des accords collectifs
(Articles L 2222-6 à L 2261-9 du Code du travail)

Il arrive que les accords collectifs signés quelques années auparavant ne satisfassent plus ses signataires (aussi bien du côté salarié qu’employeur). Dans ce cas, il est possible de dénoncer ces accords afin de tenter d’en mettre en place de nouveaux.

Seuls peuvent être dénoncés les accords collectifs à durée indéterminée. En outre, l’accord doit prévoir expressément les conditions de la dénonciation et notamment la durée du préavis pendant lequel les nouvelles négociations ne pourront être entamées (Si rien n’est indiqué, ce préavis est de 3 mois).

La dénonciation peut-elle être partielle ?

Principe :
La dénonciation touche la totalité de la convention ou de l’accord. Le juge s’oppose à la dénonciation partielle au nom du caractère indivisible de la convention. Une dénonciation partielle est irrégulière (Cass.Soc.,12/10/2005 n° 04-43355), et dans certains cas nulle.

Tempérament : La dénonciation partielle est possible si elle est prévue :

  • Par une clause conventionnelle
  • Par un accord entre les parties signataires au moment de la dénonciation (Cass.Soc.,15/10/1987 n° 85-14908)

La dénonciation doit-elle être justifiée ?

Il n’y a pas d’obligation légale pour l’auteur de la dénonciation de justifier sa décision (Cass.soc., 20/10/1993 n° 89-18949). Toutefois, il est possible de prévoir une clause contraire prévoyant la justification de la dénonciation.

Qui peut dénoncer les accords et quels sont les effets de cette dénonciation ?

Seules les parties signataires de l’accord peuvent le dénoncer. Par contre il faut distinguer selon que tous les signataires (employeurs ou salariés) décident de dénoncer ou seulement une partie des signataires employeurs et salariés.

 

Dénonciation par tous les signataires employeurs ou salariés

En cas de dénonciation par tous les signataires, employeurs ou salariés, une nouvelle négociation doit s’engager, dans les 3 mois qui suivent la date de la dénonciation, si une des parties intéressées en fait la demande. Cette négociation ne peut avoir lieu qu’après la dénonciation et tous les syndicats représentatifs doivent y être conviés.

Dans cette situation, l’accord reste applicable :

  • soit jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord qui remplace le texte dénoncé ; cette entrée en vigueur ne peut être antérieure au terme du préavis de dénonciation (qui est de trois mois si un délai différent n’est pas prévu par l’accord)
  • soit, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis (sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure). Cela signifie que l’accord peut continuer à être applicable pendant une durée de 15 mois après sa dénonciation.

Pendant ce délai de survie où les négociations sont entamées, la convention ou l’accord continue à s’appliquer intégralement à l’égard de tous les salariés concernés, y compris ceux embauchés après sa dénonciation (Cass soc 15 mai 2001 n° 99-41.669).

Lorsque l’accord dénoncé n’a pas été remplacé par un nouveau texte dans le délai de survie, il cesse de s’appliquer, sous réserve du maintien des avantages individuels acquis par les salariés en application du texte dénoncé.
Un avantage individuel acquis est celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l’accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel (cass soc 13 mars 2001 n° 99-45.651).

Exemples :

Ne constitue pas un avantage acquis :
L’indemnité conventionnelle de licenciement, car ce droit ne naît que par le fait et au moment de la rupture du contrat de travail (cass soc 23 juin 1999 n°97-43.162). Il en est de même de l’indemnité de préavis ( cass soc 5 juin 1996 n° 92-42.995), de l’indemnité de départ à la retraite (Cass soc 19-10.1978 n° 77-40.734) ainsi que du mode de calcul de la retenue pour grève ( Cass soc 18 fév 1997 n° 93-46.733), ou du maintien du salaire pendant un congé de maladie (mécanisme de la subrogation) (Cass soc 18 mars 2009 n°07-43.324. L’organisation du temps de travail n’est généralement pas considérée comme un avantage individuel acquis mais plutôt comme un avantage collectif. C’est par exemple le cas d’une pause de 45 minutes considérée comme du temps de travail effectif (Cass soc 8 juin 2011 n° 09-42.807). Ne constitue également pas un avantage acquis l’application pour l’avenir du mode  de réévaluation de la rémunération (Cass soc 26 janv 2005 n° 02-44.712).

Constitue un avantage individuel acquis :
Le niveau actuel atteint par la rémunération (Cass soc 20 oct 1998 n°95-44.290), une prime de fin d’année, une prime de vacances, un treizième mois, une prime d’ancienneté (Cass soc 7 juin 2005 n°04-43.652), une prime d’assiduité ou une prime de déplacement versée mensuellement quel que soit le nombre de jours travaillés (Cass soc 12 nov 2008 n° 07-42.297). La structure de la rémunération constitue également un avantage individuel acquis. Aussi, un employeur ne saurait intégrer à la rémunération contractuelle d’un salarié une prime résultant d’un accord collectif dénoncé et non remplacé, sans son accord préalable (Cass soc 1er juillet 2008 n° 07-40.799

Les avantages individuels acquis ne peuvent profiter qu’aux salariés déjà dans l’entreprise au jour de la dénonciation, à l’exclusion de ceux embauchés pendant la période de survie provisoire (Cass soc15 mai 2001 n° 99-41.669).
Les salariés exclus de l’accord de substitution conservent le bénéfice de leurs avantages individuels acquis en vertu de la convention dénoncée en l’absence de signature d’un accord propre à leur activité.

A noter : Il peut arriver qu’une organisation syndicale signataire ne soit plus représentative au sein de l’entreprise. Dans ce cas, le Code du travail prévoit en son article L 2261-10 al 4 que : "  Lorsqu’une des organisations syndicales de salariés signataires de la convention ou de l’accord perd la qualité d’organisation représentative dans le champ d’application de cette convention ou de cet accord, la dénonciation de ce texte n’emporte d’effets que si elle émane d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans son champ d’application ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans les conditions prévues au chapitre II du titre III. " 
Cela signifie trois choses :

  • Une organisation syndicale signataire de la convention peut la dénoncer seulement si elle est toujours représentative et si elle a recueilli la majorité des suffrages aux dernières élections professionnelles
  • La dénonciation n’a plus à être unanime mais seulement majoritaire
  • Ouverture de la dénonciation aux non signataires de l’accord

 

Dénonciation par une partie seulement des signataires

En cas de dénonciation par une partie des signataires, 2 hypothèses se présentent selon les articles L2261-11 et -12 du Code du travail :

1) Art L 2261-11 du code du travail : la dénonciation est le fait d’une partie seulement des signataires employeurs ou des signataires salariés : Le texte reste alors en vigueur entre les parties signataires qui ne l’ont pas dénoncé. Ainsi, si c’est un syndicat qui a souhaité dénoncer l’accord, le texte continuera à s’appliquer à l’ensemble des salariés comme s’il n’avait pas été dénoncé.

2) Art L 2261-12: la dénonciation d’une convention de branche émane d’une organisation qui est seule représentative du côté employeurs ou du côté salariés d’une partie du champ professionnel ou territorial de l’accord => entraîne une réduction de ce champ

A noter : le respect de la procédure de dénonciation implique une consultation préalable du CE quand il s’agit d’un accord collectif d’entreprise intéressant l’organisation, la gestion ou la marche générale de l’entreprise (ce qui est presque toujours le cas). A défaut, la dénonciation est sans effet et l’accord reste en vigueur (Cass soc 5 mars 2008).

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