Sud-ouest : la région de plus en plus secouée par les délocalisations

Elle peut contribuer à élever le niveau de vie des pays qui en bénéficient. Elle se déroule parfois en douceur. Mais elle est aussi, fréquemment, source de drames. Et elle risque de déboucher, dans nos contrées, sur une forte diminution des emplois industriels peu ou pas qualifiés.

La course à l’Europe de l’Est Des exemples régionaux le montrent : la création ou le transfert d’activités vers des pays à plus bas coût de main-d’oeuvre peut parfois s’effectuer de façon planifiée et relativement indolore. Ainsi la société Le Bélier, de Vérac (Gironde), spécialisée dans la sous-traitance automobile, a-t-elle récemment créé ou racheté deux usines hongroises, un site chinois et un établissement mexicain. Tout en baissant ses coûts, cette démarche lui permet de se rapprocher de certains de ses donneurs d’ordres, implantés dans des zones à plus faible niveau de vie : le Mexique est en train de devenir un grand centre mondial d’assemblage automobile, tandis que la Slovaquie, proche de la Hongrie, accueillera bientôt une immense usine du groupe Peugeot PSA. A ce jour, cette internationalisation galopante n’a pas eu d’effets trop négatifs sur le berceau girondin du Bélier, qui a maintenu son effectif CDI.
A Marmande, Creuzet Aéronautique a adopté une stratégie comparable : l’entreprise a créé dans le sud-est de la Pologne une filiale commune avec le groupe SNECMA, qui devrait à terme employer près d’une centaine de salariés. La délocalisation partielle de la fabrication de certaines pièces de réacteur a permis à l’entreprise marmandaise de réduire le prix de revient de ces fabrications et de décrocher de nouveaux marchés. Là aussi, selon le PDG Jacques Barillot-Creuzet, l’emploi régional est à ce jour sauvegardé.

De lourds coûts humains L’actualité récente montre malheureusement que ces transferts sont loin de toujours s’opérer sans dégâts sociaux. Une liste non limitative des effets régionaux malheureux de la mondialisation en témoigne abondamment :
A Canéjan, Solectron, numéro un mondial de la sous-traitance électronique, n’emploie plus que 1 300 salariés CDI contre 2 200 naguère. Ses effectifs intérimaires, qui avaient un temps dépassé le cap des 2 000, ont été divisés par 10. Confronté à une dégringolade du marché des télécommunications et à une intense pression sur les prix de ses grands clients, eux-mêmes aux abois, le groupe américain détourne massivement sa production ouest-européenne vers des usines d’Asie ou d’Europe centrale. Une bonne partie des productions de l’établissement girondin a été transférée à Timisoara (Roumanie). Les centraux téléphoniques destinés au groupe suédois Ericsson seront bientôt produits près de Shanghai, et non plus dans l’unité de Longuenesse (Pas-de-Calais), qui a été fermée.
A Lormont
(Gironde), une centaine d’emplois ont disparu au sein du groupe EPCOS, qui doit faire face à la concurrence de produits fabriqués en Chine, et qui a lui-même investi en République tchèque et en Inde.
A Mérignac,
la SOGERMA a perdu le marché de la maintenance des avions de transport de l’armée de l’air française au profit de l’entreprise portugaise OGMA, nettement moins disante. Cet échec contribue à 240 départs, qui ne peuvent pas tous se régler par le biais de la préretraite et du volontariat.
A Ambarès
(Gironde), les effectifs intérimaires de la CIRMA (électronique), qui travaille notamment pour de grandes sociétés aéronautiques, ont fondu par rapport à l’an dernier. « Une bonne partie du travail de câblage est partie en Pologne », explique Régine Marchand, responsable syndicale CFDT. « Nos grands clients nous poussent à délocaliser vers les pays à bas coûts. » (1)
A Salles-d’Angles
(Charente), l’entreprise ACCE (électronique) a dû licencier l’an dernier une partie de ses soixante salariés. « Nous avons perdu certains appels d’offres face à des concurrents qui étaient moins disants que nous », explique le PDG, Jean-Charles Renaut. « Du coup, même si le site charentais n’est pas à ce jour menacé, une implantation dans la région de Casablanca est à l’étude. »
Dans le même temps, l’hémorragie se poursuit à un rythme variable dans le secteur de la chaussure, où la concurrence de la Chine, du Portugal et de la Tunisie continue à se traduire par des dizaines de suppressions d’emplois par an.
On aurait certes tort de déduire de ce catalogue incomplet que la région et la France sortent totalement perdantes de cette internationalisation galopante. Car l’élévation du niveau de vie de ces pays, en partie provoquée par ces délocalisations, se traduit aussi par une hausse de leurs achats en provenance de pays comme le nôtre. Il n’en reste pas moins que ces phénomènes contribuent à alimenter une insécurité économique, dont la montée est certainement une des principales caractéristiques des décennies écoulées.
(1) Sollicitée, la direction de CIRMA, qui appartient au groupe CEGELEC, n’a pas souhaité répondre.
source : sudouest.com

Auteur de l’article : comitedentreprise.com