Des licenciements toujours plus violents

L’affaire Marks & Spencer fut directement à l’origine de la loi «de modernisation sociale» contre les «licenciements boursiers» : le titre avait fait un bond à l’annonce des suppressions d’emploi. Sortant d’une élection municipale désastreuse, en particulier pour l’allié communiste, l’ex-gauche plurielle avait exigé du gouvernement Jospin qu’il prenne des mesures spectaculaires. Débattue à l’Assemblée au printemps 2001 dans un climat de surenchères à gauche, cette loi ne fut définitivement adoptée qu’à l’automne, le Sénat ayant joué la montre, et promulguée en janvier 2002.

Veto présidentiel. La nouvelle majorité de droite souhaitait en gommer les dispositions les plus antilibérales, celles qui allongeaient les procédures et les délais d’élaboration des plans sociaux en cas de licenciements collectifs. Mais, en juillet, Jacques Chirac mettait son veto à toute abrogation même partielle de la loi de modernisation sociale, jugeant inutile de démanteler ostensiblement un texte inapplicable mais pétri de bonnes intentions. Le Président annonçait alors la création d’une task force chargée de prévenir les plans sociaux. Une décision concrétisée par la mission interministérielle confiée à Claude Viet (lire ci-contre).

Le ministre des Affaires sociales et du Travail, François Fillon, fut chargé de calmer les ardeurs libérales de l’UMP et de l’UDF, avec un texte de loi suspendant pour dix-huit mois, sans les abroger, les mesures les plus contestées de la loi de modernisation sociale. Le texte adopté définitivement le 19 décembre «gèle» dix articles de la loi : ceux qui allongeaient les délais de consultation du comité d’entreprise, ceux qui permettaient la saisine d’un médiateur ou encore celui qui imposait aux grandes entreprises «une étude d’impact social et territorial», entre autres. Les députés ont également, de leur propre initiative, suspendu «l’amendement Michelin», qui imposait aux grandes entreprises de négocier un accord de réduction du temps de travail avant tout plan social. Comme elles sont déjà pratiquement toutes aux 35 heures, l’impact de cet amendement était uniquement symbolique.

Symbole. La plupart des articles «suspendus» ne sont d’ailleurs jamais été entrés en vigueur, faute de décrets d’application. Le gouvernement ne pourra donc pas tenter de faire accroire que la loi de modernisation sociale a poussé les entreprises à déposer le bilan pour éviter d’avoir à négocier des plans sociaux interminables. L’affaire Metaleurop, qui ne fait que commencer, montrerait plutôt que les employeurs les moins scrupuleux ont interprété le symbole qu’était la suspension des mesures antilicenciements comme un encouragement à ne pas s’embarrasser du respect des procédures et des gens.
source : www.liberation.fr

Auteur de l’article : comitedentreprise.com