La décentralisation, un débat à tiroirs multiples

Pour l’heure, le texte gouvernemental s’attaque à une modification constitutionnelle visant, en préalable, à rendre cohérentes les institutions, en ajoutant à l’article 1 de la Constitution que l’ « organisation [ de la République] est décentralisée ». La région, pour sa part, serait officiellement et juridiquement reconnue.
Outre ces deux dispositions, le projet ouvre le droit à l’expérimentation de nouvelles compétences. Sur les dossiers où un co-pilotage existe déjà ( gestion du RMI, formation professionnelle, politique du handicap, logement… ), mais également sur de nouveaux thèmes comme la gestion des bâtiments hospitaliers et universitaires. Parallèlement, le législateur décidera de la durée de ces expériences et, éventuellement, de leur généralisation. La fusion de deux départements ou de deux régions serait rendue possible et le texte prévoit de confier à une collectivité le rôle de “ chef de file ” pour définir les modalités de collaboration entre plusieurs échelons territoriaux. Sur le plan fiscal, le principe de l’autonomie financière permettrait de déplacer une partie des impôts nationaux vers les collectivités locales. Le projet spécifie en effet que tout transfert de compétences « s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui leur étaient consacrées ». Cette réforme de la dotation de l’État maintient le principe de péréquation, autrement dit la répartition des ressources entre collectivités riches et pauvres. Quant au référendum local, qui existe déjà de façon consultative au niveau communal depuis la loi Joxe de 1992, il serait étendu aux autres collectivités et, de surcroît, pourrait être décisionnel.

De nombreuses questions en suspens. Voilà pour la philosophie générale et les grands principes. En l’absence de la loi organique et des lois ordinaires qui suivront, il est pour l’heure difficile de porter un jugement définitif. En 1982, la CFDT avait été directement consultée sur cette étape de la décentralisation. Même si, à l’époque, elle n’avait pu imposer l’ensemble de ses points de vue, en particulier sur le pouvoir régional, qu’elle considère comme le lieu déterminant d’une vraie décentralisation. Aussi, un projet dont les régions sont le pivot de l’expérimentation correspond au souhait de la Confédération.
Mais les principes sont une chose, leur application en est une autre. Pour la CFDT, il s’agit aujourd’hui d’identifier les débats soulevés par le projet de loi. Le premier d’entre eux touche à la place des corps intermédiaires. Quelle sera la prise en compte des réflexions et de l’expérience des partenaires sociaux ? Comment sera accepté leur rôle, complémentaire de celui des élus politiques ? Et la CFDT de prévenir : le seul renforcement des pouvoirs politiques de proximité n’est pas en soi un gage de démocratie plus participative. La généralisation des référendums décisionnels n’apparaît pas, de ce point de vue, de très bon augure. Le chantier européen pose également la question de l’efficacité de l’État. Aussi, la décentralisation ne doit pas, pour la CFDT, conduire à un affaiblissement de celui-ci mais à une redéfinition de son rôle et de ses missions. Ce qui induit la question de la déconcentration qui doit être complémentaire du processus de décentralisation (quid, par exemple, des contrats de plan État-régions ? ). Les transferts de compétences, avec de nouveaux moyens pour les collectivités territoriales, rendent indispensable une réflexion sur la fiscalité locale. Quant à l’expérimentation, on peut s’interroger sur son évaluation et sa multiplication, sachant qu’un retour à la situation antérieure sera très difficile. Quels seront, enfin, les contours des structures territoriales et leur hiérarchie ? Ce débat, qui ne date pas d’hier, agite aujourd’hui le Sénat tandis que les représentants de conseils généraux s’inquiètent. Et l’on comprend pourquoi, tant cette question soulève d’enjeux politiques.
La CFDT, pour sa part, milite pour la simplification et la clarification des structures administratives pour les adapter aux réalités économiques et sociales. Et s’interroge, également, sur le sort réservé aux statuts des personnels et sur la gestion des ressources humaines dans les fonctions publiques.

En savoir plus : Le calendrier de la réforme

Actuellement, le Sénat examine en première lecture le projet de loi constitutionnelle. Il reviendra devant le Parlement d’ici la fin de l’année pour être proposé à l’adoption, soit par référendum, soit ce qui est le plus probable par le Congrès. Des assises des libertés locales auront lieu dans les vingt-deux régions métropolitaines et les quatre d’outremer. Des assises nationales en feront la synthèse. Entre-temps, les régions diront quelles nouvelles compétences elles souhaitent expérimenter, tandis que les ministres feront des propositions pour décentraliser ou déconcentrer leurs administrations. Enfin,un toilettage législatif des différents textes sur l’aménagement du territoire interviendra progressivement.

Auteur de l’article : comitedentreprise.com