Air Lib sommé de sortir du flou

 Au ton du communiqué gouvernemental publié à l’issue de l’entretien, on comprend vite que Corbet a davantage agacé ses interlocuteurs qu’il ne les a convaincus. Le patron a même été fermement prié de revoir sa copie, et fissa (avant le 8 novembre), s’il veut espérer de l’Etat une prolongation du prêt de 30,5 millions d’euros consenti par l’ancien gouvernement. A moins que ça ne soit déjà une diplomatique fin de non-recevoir.

A un fil. Même si elle espère réduire ses pertes cette année (de 120 millions l’an dernier à 60 cette année), la petite compagnie ne tient qu’à un fil. Et la solidité de cette fragile amarre dépend totalement du bon vouloir de l’Etat qui la lâcherait volontiers s’il n’y avait 3 200 emplois à la clé. Les impayés d’Air Lib à l’égard des organismes publics (cotisations sociales, taxes aéroportuaires) s’accumulent au point d’atteindre aujourd’hui la somme de 60 millions d’euros. Résultat, s’il veut obtenir de l’Etat qu’il l’autorise à réorienter le prêt pour restructurer l’entreprise, Jean-Charles Corbet devra se montrer beaucoup plus persuasif. Avec les éléments dont elle dispose aujourd’hui, la tutelle aurait beaucoup de mal à convaincre Bruxelles, toujours très chatouilleux sur les distorsions de concurrence générées par des aides d’Etat aux entreprises.

«On n’a pas eu le pistolet sur la tempe», se défend-on dans l’entourage de Corbet, à l’issue du rendez-vous au ministère. La direction d’Air Lib ne s’en est pas moins très vite remise à l’ouvrage pour pouvoir, dit-elle, présenter «dans les heures qui viennent» un plan plus acceptable. Avec, à l’appui, des économies de ligne et des gains de productivité. «Cela passe par un effort social» dont les tenants et aboutissants ont été expliqués hier après-midi à un comité d’entreprise extraordinaire réclamé par le personnel passablement inquiet, lui aussi, du «flou» de la stratégie Corbet : 130 suppressions d’emplois dans la meilleure hypothèse, 400 dans la plus mauvaise, sachant que les salariés vivent dans l’angoisse d’une cessation d’activité pure et simple.

Trois pôles. Car ces économies ne sauront à elles seules satisfaire le gouvernement. Celui-ci réclame d’abord – et manifestement sans trop d’illusion – une définition plus précise de la stratégie Corbet. La cohérence du réseau aérien construit par l’ex-syndicaliste pilote devenu PDG est loin d’être convaincante. Air Lib marche sur trois pôles : le low cost (bas prix), le moyen-courrier (Algérie, Italie) et le long-courrier (la desserte des Antilles, particulièrement déficitaire). «Il faudra sans doute, un jour, isoler ces différentes activités dans des structures ad hoc», convient-on chez Air Lib. Manière peut-être d’anticiper un dépeçage en règle auquel songerait déjà le gouvernement. Les prédateurs sont déjà au bord de la piste. Corsair (Nouvelles Frontières) prendrait bien la relève sur les DOM, par exemple.

Les salariés, eux, sont aux aguets. Ils ont déjà connu deux dépôts de bilan, et préviennent, à l’image de Paul Fourier (CGT) : «On ne se laissera pas faire.».

Auteur de l’article : comitedentreprise.com