Confrontées aux pressions des salariés, les entreprises françaises s'assurent

La loi du 16 novembre 2001 sur la lutte contre les discriminations n’a fait que renforcer les entreprises dans l’idée de s’assurer. L’employeur doit en effet prouver qu’il a pris toutes les mesures de précaution dans sa société. Une preuve parfois compliquée à apporter. « Nous avons cinq fois plus de demandes que l’an dernier », déclare Alain Mourot, secrétaire général d’AIG Europe, une compagnie qui compte aujourd’hui 350 entreprises clientes sur les risques sociaux. Concrètement, pour une société française qui emploie 5.000 personnes (dont 300 travaillent aux Etats-Unis), qui est assurée ou veut le faire sur les risques sociaux, il faut compter une garantie de 20 millions d’euros, la prime annuelle et la franchise par sinistre pouvant chacune se chiffrer à 100.000 euros », estime Alain Mourot. Toutefois, peu d’entreprises françaises ont un tel effectif. Pour la plupart, la prime annuelle varie, selon des assureurs, de 5.000 à 10.000 euros lorsqu’elles n’ont pas de filiales à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis. Et les franchises sont au minimum de 10.000 euros par sinistre.

« Class action. » Lorsqu’une société française est implantée outre-Atlantique, les assureurs préfèrent se protéger davantage. Aux Etats-Unis et au Canada, les contentieux dans les rapports entre employeurs et salariés sont plus fréquents que sur le Vieux Continent. Grâce à l’action de groupe anglo-saxonne, la fameuse « class action », les employés hésitent moins, en effet, pour saisir la justice. Et les dommages et intérêts obtenus auprès des tribunaux américains peuvent se révéler très conséquents. En raison de ce contexte, pour une société française présente outre-Atlantique, la prime annuelle varie de 20.000 à 30.000 euros. Et la franchise par sinistre de 40.000 à 50.000 euros, d’après des assureurs.

Malgré de tels montants, les entreprises préfèrent s’assurer. Certaines PME-PMI, voire des associations, commencent également à s’y intéresser. « Car le droit social (licenciement, harcèlement,…) leur coûte cher sur le plan financier », explique Roger Bissor, fondateur du courtier d’assurances Conseils & Risques Financiers. Ce coût a de fortes chances d’augmenter dans les années à venir sur le Vieux Continent. « On peut imaginer que la tendance américaine viendra en Europe », souligne Brian Vosloh, adjoint du vice-président de Chubb Europe. Elle est déjà très présente au Royaume-Uni. En effet, des tribunaux outre-Manche ont rendu des décisions contre l’employeur en fixant des dommages et intérêts très élevés.

A titre d’exemple, une société pétrolière anglaise est rachetée par une entreprise norvégienne. De nombreux salariés sont licenciés dont des dirigeants. La société scandinave avait imposé que les réunions ne se déroulent qu’avec l’usage de la langue norvégienne. Trois dirigeants licenciés ont alors saisi la justice anglaise sur le motif de la discrimination. L’un d’entre eux a obtenu 2,1 millions de livres sterling (3,31 millions d’euros) de dommages et intérêts par le tribunal. Dans l’Hexagone, les entreprises peuvent déjà se trouver confrontées à la justice britannique. Un Anglais travaille à Paris pour une société française, mais son lieu de résidence est à Londres. « Le tribunal britannique a accepté de trancher le contentieux alors que la société française n’a pas de filiale en Angleterre », souligne Alain Mourot. L’objectif pour le salarié est de rechercher où il a le plus de chance d’obtenir des dommages et intérêts élevés.

Démarche préventive. Pour éviter une telle situation, les entreprises préfèrent favoriser une transaction avec l’employé. Selon les assureurs, la transaction dans les risques sociaux serait une pratique croissante dans l’Hexagone. Elle est déjà très fréquemment utilisée dans des pays de droit anglo-saxon que sont les Etats-Unis et l’Angleterre.

Lorsqu’une transaction est engagée en France entre l’employeur et un salarié, l’assureur la prend en charge. Toutefois, les entreprises ont intérêt à prévoir des formations. Par exemple, sensibiliser leur direction des ressources humaines sur la pratique du testing (moyen utilisé par des particuliers pour prouver une discrimination raciale dans le recrutement d’une société). « Il est également conseillé à l’entreprise de créer un poste de médiateur dans ses locaux », indique Roger Bissor. Les assureurs veulent aussi sensibiliser les entreprises à l’idée qu’un risque social, qui est au début individuel, peut devenir collectif. Avant d’assurer une société, ils attendent donc de sa part une démarche préventive.

source : www.latribune.fr

Auteur de l’article : comitedentreprise.com