Hachette rachète les livres de vivendi

Très rapidement, Jean-Luc Lagardère s’est piqué au jeu. Ni l’opposition des éditeurs indépendants, ni les problèmes de concentration ne l’auront arrêté. L’échec de la privatisation de TF1 a été assez cuisant pour que Lagardère et son fidèle lieutenant Jean-Louis Lisimachio ne laissent rien au hasard. Ainsi, pour régler les problèmes de concurrence avec Bruxelles, les Lagardère’s boys ont concocté un petit montage très malin. Au lieu de laisser Hachette racheter directement Vivendi Universal Publishing (VUP), c’est une autre société ­ son nom devrait être dévoilé aujourd’hui ­ qui se chargera de porter cette participation pour le compte de Lagardère.

De plus, histoire de calmer les esprits échauffés de l’édition indépendante, cette société devrait mettre en place une structure de «cantonnement» pour tous les actifs qui pourraient poser problème à Bruxelles. Comme l’édition scolaire, où Hachette serait en quasi-situation de monopole, voire la distribution.

«Bon prix». La manoeuvre est claire : il s’agit d’éviter à tout prix un veto suspensif de la Commission européenne qui pourrait par la suite annuler la vente. Car Vivendi veut toucher son chèque immédiatement pour régler au mieux le dossier Cegetel. VU devra pourtant attendre au moins les délais légaux d’information des différents comités d’entreprise des maisons d’édition avant de mettre la main sur les 1,2 milliard d’euros de Lagardère. «C’est un bon prix, un prix industriel, note un financier. Il faut tenir compte du fait que VUP ne dispose plus de la participation de 50 % dans France-Loisirs, qui crachait une bonne partie des bénéfices de VUP.» Mais 1,2 milliard d’euros, c’est cependant loin des trois milliards espérés.

C’est la deuxième grosse surprise de cette vente. Jean-René Fourtou aurait décidé de ne pas vendre le groupe d’édition scolaire américain Houghton Mifflin, qui était pourtant le premier actif que Fourtou voulait vendre cet été. Vivendi a été fort déçu par les offres des fonds d’investissement pour le groupe américain qui ne tournaient qu’autour de 1 milliard d’euros. Jean-Marie Messier avait, lui, fait un chèque de 2,2 milliards d’euros pour mettre un pied dans l’édition outre-Atlantique. C’est dire la moins-value. Fourtou aurait demandé aux candidats de retravailler leurs offres. Eurazéo (l’un des holdings de Lazard) et le fonds d’investissement Carlyle, qui n’avaient finalement déposé leur offre que sur Houghton Mifflin, vont donc devoir revoir leur copie. Cette solution surprise n’arrange pas les affaires de Fourtou. Lui qui comptait sur les trois milliards d’euros pour reprendre la main sur le dossier Cegetel, filiale à 44 % de VU, va devoir trouver des solutions de rechange.

Délais. Depuis plusieurs jours, Vivendi est sous la pression de Vodafone, qui a annoncé qu’il voulait monter dans le capital de Cegetel en rachetant les parts de BT pour un montant de 4,2 milliards d’euros et celles de l’américain SB Communication pour 2 milliards d’euros. Comme la vente de VUP va prendre un peu de temps, «JRF» a déjà déposé un référé pour pouvoir repousser le délai de rachat de BT et SBC au 10 décembre, Vodafone n’ayant, selon lui, pas respecté les délais prévus dans le contrat. Jean-René Fourtou n’est pas décidé à laisser le groupe anglais racheter Cegetel, qui devrait lui rapporter entre 1,2 et 2 milliards d’euros de cash par an dans les prochaines années. Mais il a besoin de mettre entre 4 et 6 milliards d’euros sur la table avant le 10 novembre, ou le 10 décembre s’il gagne son référé.

Du coup, le PDG de VU s’est décidé à se débarrasser de Vivendi Environnement (VE), sa filiale contrôlée à 40,9 %. Principal obstacle à une telle cession, la promesse faite par Jean-Marie Messier, en juin, de ne pas vendre cette participation sur le marché pendant dix-huit mois. A l’époque, il s’agissait de rassurer les actionnaires qui venaient de rentrer dans le capital de VE, notamment la Caisse des dépôts (CDC) ou Groupama. Ce lock-up de dix-huit mois peut cependant être détourné. Il a ainsi d’abord été question de «monétiser» cette participation, c’est-à-dire d’é mettre des obligations convertibles en actions VE à échéance de dix-huit mois. Mais une telle opération prendrait du temps. Aussi, Fourtou est-il maintenant décidé à vendre jusqu’à 20 % de VE à un groupe d’investisseurs, qui reprendrait à son compte les clauses du lock-up. Henri Proglio, le président du directoire de VE, a été mis à contribution par Fourtou pour aller dénicher de nouveaux partenaires, et les actionnaires de VE rentrés en juin, notamment la Caisse des dépôts, ont été sollicités. Ils pourraient accepter d’augmenter leur participation. Le Monde indiquait hier (journal daté du 23 octobre) qu’EDF pourrait aussi faire son entrée dans VE. Une information confirmée par une source proche du dossier, qui admettait cependant : «Vivendi Environnement est une entreprise privée cotée à New York. Et les groupes publics comme EDF ou la CDC ne pourront pas prendre une part trop importante.»

Titres en baisse. Les investisseurs, qui espéraient une vente rapide de VUP, devraient être déçus. Hier, ils avaient déjà fait baisser les titres VU et VE, respectivement de 8,22 et 8,28 %, parce qu’ils craignaient voir rentrer moins de cash que prévu. Des craintes qui se trouvent donc confirmées.

source : www.liberation.fr

Auteur de l’article : comitedentreprise.com