L'industrie du disque veut des FAI plus coopératifs pour lutter contre le pirate

Le 30 septembre, un groupe de pression interprofessionnel, le bien nommé
Clic (Comité de liaison des industries culturelles, créé en juin 2001),
s’est élevé publiquement «avec la plus extrême vigueur contre le
comportement scandaleux de certains fournisseurs d’accès, qui n’hésitent
plus à se faire les chantres du téléchargement illicite de musique et de
vidéo pour accroître leur trafic». Derrière cette offensive, le Syndicat
national des industries phonographiques (Snep), homologue en France de la
RIAA américaine.

Wanadoo et Tiscali dans le collimateur du Snep

Parmi ces « mauvais élèves », le Clic cite deux poids lourds du marché en
Europe: Wanadoo et Tiscali. «France Télécom/Wanadoo (…) n’hésite pas à
fonder sa communication pour attirer des abonnés, sur le fait que les
connexions à haut débit permettent le téléchargement de musique et de
vidéo, en feignant d’ignorer que la plupart de ces téléchargements sont
illicites.» La seconde salve est pour Tiscali, «qui vient de conclure un
accord avec le service d’échange illicite de fichiers musicaux
« peer-to-peer » Kazaa» (lire notre actualité à ce sujet). «Cette société
[Kazaa], dont les serveurs sont basés dans un paradis fiscal, va déployer
une campagne sur l’offre haut débit de Tiscali (…) en contrepartie d’un
pourcentage reversé sur chaque nouvel abonné. La campagne devrait
comprendre des bannières et des encarts publicitaires intégrés dans le
logiciel lui-même» accuse le Clic.

Mauvais timing pourtant, car Wanadoo a mis en place un service payant de
téléchargement de musique… le 13 septembre dernier. Même chose pour
Tiscali, qui a inauguré le sien (en France et Royaume-Uni uniquement)
quatre jours plus tard.

Toute cette activité de lobbying en direction du gouvernement n’a qu’un
but: contraindre plus efficacement tout FAI, avant de saisir un tribunal,
à «coopérer» avec les ayants droit pour couper l’accès à des sites de
téléchargement non autorisés… L’Association des fournisseurs d’accès
(Afa) a répondu dans la foulée, le 1er octobre: «Dans le cadre des
procédures légales existantes, les membres de l’Afa aident à
l’identification et ainsi à la poursuite des auteurs de préjudice ou
d’infraction.»

Contraindre les FAI à couper l’accès à des sites par une mesure d’urgence

«Ce serait pour intervenir dans des cas « évidents »», déclare à ZDNet
Hervé Rony, directeur général du Snep et secrétaire du Comité de liaison.
«Je veux parler de sites proposant par exemple du Céline Dion ou du
Goldman… Ce qu’il manque selon nous dans notre droit, c’est une
procédure analogue à la « notice and take down » américaine (blocage du
contenu litigieux par mesure conservatoire, Ndlr), qui permet
d’intervenir avant de saisir un juge. Évidemment, si le FAI considère que
le contenu n’est pas « illicite » à ses yeux, il pourra ne pas obtempérer
et l’ayant droit devra alors porter plainte. Ce que nous voulons, c’est
que la loi nous permette d’agir ainsi de manière amiable.» Cela se ferait
dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur le
commerce électronique, que le gouvernement Jospin avait introduite dans
un projet de loi désormais caduc, celui sur la société de l’information.

Pourtant, le code de la propriété intellectuelle autorise déjà ce type de
« mesure d’urgence ». Il faut certes se présenter devant un juge, mais on
peut obtenir une injonction de fermer un site litigieux avant tout débat
contradictoire (cf. l’affaire Miditext par exemple). Et comme le rappelle
l’Afa, juridiquement calée sur la question: «L’avenir de l’industrie
culturelle ne réside pas dans l’adoption d’une loi, par laquelle la
puissance publique abandonnerait ses prérogatives de contrôle des
activités illégales, pour les déléguer aux prestataires techniques
Internet.»

Mais pour Hervé Rony, l’Afa «tourne autour du pot et on a l’impression
d’être pris pour des imbéciles… Elle appelle à la concertation avec
nous, et laisse deux de ses membres faire une promotion plus ou moins
déguisée du téléchargement illicite de musique et de vidéo…». Pour
lutter contre le fléau du piratage, le directeur du Snep reconnaît que
cela ne mène à rien de fliquer l’utilisateur, et regrette finalement que
«les fournisseurs d’accès puissent se faire de l’argent dans ce marché
dit « gratuit », l’échange de musique en ligne.»

«Cela ne mène à rien de fliquer l’utilisateur»

Sur le fond, Rony sait bien que le calendrier législatif est plus que
chargé pour le gouvernement. Mais ce lobbying avoué pour toiletter la loi
en sa faveur – le Snep espère convaincre, en faisant jouer ses nombreux
« réseaux », les ministères de la Culture, de la Recherche ou de
l’Industrie – est un moyen de mettre la pression sur l’Afa… «Le jeune
patron de Tiscali France est en ce moment le président de l’Afa. Pour
nous c’est limite une provocation…»

Peut-être que les deux parties se réconcilieront à travers des opérations
« journées portes ouvertes » comme celle organisée ce jeudi 3 octobre au
Royaume-Uni. Initié par le prestataire OD2 Technologies, qui fournit clés
en main des plates-formes de diffusion payante de musique (y compris à
Wanadoo et Tiscali), ce « Digital Download Day » incite les internautes à
goûter gratuitement pendant un mois au téléchargement « licite ». Cette
opération sera déclinée en France dans les prochains mois.

source : www.zdnet.fr

Auteur de l’article : comitedentreprise.com