La primeur des mineurs pour les senateurs

Les sénateurs vont s’emparer aujourd’hui du projet de loi sur la justice, dont une bonne partie vise les mineurs délinquants. Avant les députés, pour gagner du temps en cette session extraordinaire où les projets se bousculent. La commission des lois du Sénat se réunit ce matin sous la houlette de deux rapporteurs : Jean-Pierre Scho steck (RPR, Hauts-de-Seine) et Pierre Fauchon (UC, Loir-et-Cher). Le premier connaît bien le sujet, notamment pour avoir présidé une commission d’enquête qui a rendu son rapport (1) il y a une quinzaine de jours (lire page 13). D’auditions en visites sur le terrain, les membres de la commission ont produit un document fort complet, dont le gouvernement n’a retenu qu’un chapitre : les propositions en faveur d’une répression accrue des mineurs (sanctions éducatives pénales dès l’âge de 10 ans, incarcération provisoire pour les auteurs présumés de délits dès l’âge de 13 ans, procédure de comparution rapide pour les récidivistes, création de centres pénitentiaires spécialisés).

En revanche, le projet Perben ignore toutes les préconisations sénatoriales axées sur la prévention. Les plus nombreuses, pourtant. Les auteurs du rapport signalent ainsi le man que de cohérence des dispositifs de signalement et de prise en charge des enfants en difficulté, et insistent sur la nécessité d’harmoniser l’action des acteurs et administrations concernés. Sévir, oui. Mais aussi renforcer l’autorité parentale et l’aide aux parents (réseaux d’écoute, lieux d’accueil…); renforcer le rôle de la protection maternelle et infantile (PMI) et faire en sorte que le repérage précoce des enfants violents ou en souffrance devienne une priorité ; multiplier le nombre des psychologues, infirmières et assistan tes sociales à l’école pour détecter et aider les enfants en difficulté ; reconquérir les quartiers, notamment en assurant la présence d’adultes référents (gardiens d’immeu ble, gardiens de square…).

La commission des lois examinera le projet Perben, amputé d’une partie de son dispositif : le texte créant les 3 300 juges de proximité (lire ci-contre) vient de sortir du Conseil d’Etat et sera présenté aujourd’hui en Conseil des ministres. Signe d’un dialogue difficile : les syndicats de magistrats ne seront pas entendus ­ comme c’est pourtant l’usa ge sur un texte de cette importance ­ par les sénateurs.

Même si la Haute Assemblée n’a pas été bousculée par les échéances électorales du printemps ­ ce qui lui a donné le temps de rendre des travaux quasi universitaires ­, les débats qui s’y déroulent ne sont pas forcément imprégnés d’une grande hauteur de vue. Les surenchères démagogi ques n’ont pas été moindres qu’à l’Assemblée lors des débats sur la loi sécurité quotidienne, en mai 2001. A l’époque, les sénateurs voulaient abaisser le seuil de la responsabilité pénale à 10 ans, celui de la détention provisoire pour les délits à 13 ans. Ce qui leur est proposé aujourd’hui. Mais certains voulaient aussi pénaliser les parents d’enfants délinquants. Les professionnels de l’enfance s’attendent donc à des amendements visant à durcir le dispositif gouvernemental, plutôt qu’à des tentatives de rééquilibrage vers le préventif.

(1) «Délinquance des mineurs, la République en quête de respect», rapporteur Jean-Claude Carle (RI, Haute-Savoie).

source : www.liberation.fr

Auteur de l’article : comitedentreprise.com