COMITE D'ENTREPRISE

Six ans après la réforme, les trains traînent toujours la dette

Denis Andlauer, secrétaire général de la CFDT Cheminots, « la conflictualité est largement liée au cadre économique dans lequel l’entreprise évolue ». Or, justement, malgré une progression constante du trafic depuis 1997 et une politique d’embauche liée à la mise en place de la RTT, les recettes de 2002 s’avèrent très inférieures aux prévisions budgétaires.
Les pertes sont en effet estimées à 70 milliards d’euros. La dette cumulée de la SNCF et de Réseau ferré de France (RFF), la société propriétaire du réseau, n’est toujours pas en voie de résorption. Pire, elle a augmenté de plus de 2,2 milliards d’euros depuis 1996 et dépasse les 38 milliards d’euros (chiffres 2001). Pendant dix ans elle n’a fait que croître malgré une diminution massive des effectifs (de 6 000 à 10 000 suppressions d’emplois par an), une réduction de l’offre fret (fermeture de triages et de plates-formes) et une nouvelle politique « agressive » de prix en direction des voyageurs.

La création du RFF. En 1997, une loi réforme le système ferroviaire français. Une directive européenne impose le principe de la séparation comptable entre l’infrastructure et les transporteurs ferroviaires ainsi que l’apurement des dettes des compagnies de l’Union. « Il s’agissait de contester les monopoles des sociétés nationales et de mettre les entreprises en concurrence », explique Denis Andlauer. Le gouvernement procède alors à ce que la CFDT qualifiera de « tour de passe-passe » : il crée RFF, mais l’État n’apure pas la dette publique. En tant que propriétaire du réseau, RFF est « capitalisé » et, du coup, prend à son compte la dette globale.
Miraculeusement, la société nationale est désendettée. RFF trouve des recettes en percevant un « droit de péage » dont doivent s’acquitter les utilisateurs de son réseau, en l’occurrence la seule SNCF, unique opérateur du réseau français. Le montage satisfait le gouvernement et Bruxelles. Mais, dans la réalité, cette séparation comptable ne résoud pas l’équation structurellement déficitaire des réseaux ferroviaires européens, lesquels doivent s’acquitter de missions de service public et de transport commercial, tout en assurant l’entretien des réseaux et en investissant dans la modernisation du transport ferroviaire. L’opération s’apparente à une nouvelle version des vases communicants. Ainsi, plus les péages augmentent, plus les marges de la SNCF diminuent. Dans le cas du TGV Méditerranée, 30 % des recettes sont absorbées par les augmentations des péages, fixés chaque année avec Bercy. D’ailleurs, remarque Denis Andlauer, « aucun pays européen n’a défini la même méthode de calcul des péages ». En attendant, la SNCF voit sa capacité d’autofinancement systématiquement rognée. Malgré l’injection annuelle de 1,8 milliard d’euros de dotation d’État, versés à RFF pour stabiliser les frais financiers de la dette, celle-ci n’en finit pas de croître. Et RFF a également d’autres obligations. En tant que propriétaire du réseau, il est responsable de son entretien et doit, pour l’heure (une loi en préparation pourrait supprimer cette contrainte), confier cette tâche à la SNCF. RFF est censé lui en donner les moyens sous la forme d’une « convention de gestion ». Cette dernière est malheureusement insuffisante, si bien qu’à la SNCF, ce poste budgétaire est constamment déficitaire.

La concurrence déloyale de la route. Enfin, l’existence de RFF complique singulièrement les rapports entre l’État et la SNCF. À l’heure où la concurrence fait rage entre les différents modes de transports, le fer apparaît peu compétitif. Ainsi, la vitesse moyenne d’un train de marchandises n’est que de 18 km/h. Le rail subit une concurrence « déloyale » de la route, d’autant plus que les transporteurs n’assument pas ou peu les investissements routiers. L’État compense en partie cette inégalité en versant une contribution annuelle à RFF. Mais celle-ci n’a jamais été réévaluée, puisque RFF n’est pas chargé du développement du transport ferroviaire… Ce sont pourtant bien les capacités financières du transport ferroviaire français qui sont au coeur du débat. Pour la CFDT, la SNCF doit pouvoir répondre aux enjeux du transport européen, alors que son réseau est le plus dense et le plus développé au monde !n

Décryptage : des normes sociales pour garantir la sécurité du trafic fret
La mission parlementaire sur le développement du transport ferroviaire, qui doit rendre ses conclusions dans les prochains jours, devrait proposer une série de réformes de réorganisation de l’activité fret. Actuellement, cette activité constitue l’un des gros foyers de pertes de la SNCF. C’est d’ailleurs au sein de cette activité que le budget 2003 a prévu de sévères suppressions d’emplois. Principal danger pour les organisations syndicales, le risque de dumping social, quand les nouveaux opérateurs interviendront sur le réseau.
Aussi mettent-elles en avant la défense du statut de cheminot afin de garantir un haut niveau de sécurité du transport ferroviaire. Elles proposent la mise en place de normes sociales reprenant l’essentiel des garanties fournies par le statut. Elles revendiquent également des garanties sur la formation.
Source : CFDT

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