COMITE D'ENTREPRISE

Air Lib, une liquidation qui pourrait profiter à Corbet

Corbet a expliqué, jeudi en comité d’entreprise, qu’il espérait à tout prix sauver les 800 emplois des filiales. Ce qui laisse songeurs les syndicats : «Que peuvent faire les filiales sans Air Lib ?» Ainsi, ATL (maintenance) avait pour seul client la compagnie. «Nous allons essayer de trouver des clients à certaines filiales, afin de les faire vivre», affirme la direction. Volontiers ironiques sur cette «préoccupation sociale», les syndicats d’Air Lib suspectent surtout Corbet de vouloir conserver les filiales où des actifs ont été placés pour raisons fiscales, comme Holcolux, au Luxembourg, et surtout Mermoz, aux Pays-Bas. Ce dernier abrite plusieurs avions (une dizaine, affirme la direction), dont certains en pleine propriété.

Patrimoine. Mermoz a aussi été capitalisé à hauteur de 9 millions d’euros, selon la direction, «en prévision des frais de maintenance des avions». Quant à Holcolux, créé pour «développer la formation par l’Internet et prendre des participations dans d’autres sociétés», il aurait été capitalisé à hauteur de 5 millions d’euros. Deux capitalisations réalisées avec l’argent versé par l’ex-actionnaire Swissair à Holco pour aider au redémarrage de la compagnie.

Ce patrimoine, s’il échappe à la liquidation, reviendra à Corbet, actionnaire à 100 % d’Holco et de ses filiales. Alors que sa mise de départ en 2001 n’avait été que de 30 000 euros. «Il est hors de question qu’il y ait enrichissement personnel à la suite de la débâcle Air Lib», s’indigne Sylvie Faure, déléguée CGT. «Tout le monde veut aujourd’hui voir la direction repartir à poil», affirment Yves Léonzi et Pascal Perri, le porte-parole d’Air Lib, qui déplorent l’ouverture de la «grande chasse au Corbet». «C’est humain», accorde Léonzi, mais il ajoute aussitôt : «Corbet, pour se lancer dans Air Lib, a abandonné un travail rémunérateur de commandant de bord à Air France. Par ailleurs, au moment de la reprise, #### ne s’est étonné de le voir hériter des avions pour 1 franc symbolique. Et toutes les cessions ont été homologuées par le tribunal de commerce.» Suit un argument savoureux : «Que Holco doive payer ou pas, les salariés ne seront pas lésés.»

De fait, en cas de liquidation, la casse sociale sera de toute manière payée par les organismes publics. Certes, mais si Holco et les filiales devaient être considérés comme solidaires d’Air Lib («confusion des patrimoines» en jargon juridique), les créanciers d’Air Lib ­ c’est-à-dire l’Etat ­ pourraient se rembourser partiellement sur la valeur de leurs actifs.

Clauses. Le paradoxe, c’est que si la reprise par le néerlandais Imca avait abouti, Corbet n’aurait peut-être pas eu cette opportunité. En effet, lors de la recherche d’un accord entre l’Etat, Imca et Air Lib, les avocats de Bercy avaient rédigé un texte assassin pour Corbet : Holco devait «transférer à Air Lib, contre 1 euro, tous les actifs qu’il détiendrait, notamment à travers la société Mermoz», écrivaient-ils. Par ailleurs, Corbet devait partir sans un euro d’indemnités. Ces clauses avaient été annulées… mais on ignore ce qui était prévu dans la dernière version du texte. Corbet devait-il rester actionnaire et bénéficier des euros investis par le néerlandais ? «Cela n’était pas finalisé, affirme Yves Léonzi. Mais, dans tous les cas, si Corbet avait dû tout abandonner pour faciliter une reprise, il l’aurait fait.»

Quoi qu’il en soit, Air Lib est aujourd’hui en dépôt de bilan, et Corbet s’accroche aux actifs restants. Léonzi prétend avancer serein : «Rien dans le droit français ne justifie la confusion de patrimoine.» Le tribunal de commerce en décidera. Vendredi, conscient de la délicatesse du sujet, Pascal Perri a affirmé que Corbet souhaitait «faire profiter tous les salariés des actifs de la compagnie». Pas de quoi convaincre les syndicats. Certains ont envoyé une lettre enjoignant au président du tribunal d’avoir une «approche globale» des sociétés Holco, filiales et Air Lib. «Question de principe», selon l’un d’eux.

source : liberation

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