COMITE D'ENTREPRISE

La crise boursière convertit l'épargne salariale en simple rémunération

L’un de ces deux groupes, Aventis, proposait même une option qui, en fonction de l’âge du salarié, faisait évoluer automatiquement son épargne d’un placement à 80 % en actions, risqué, vers un autre en grande partie monétaire, rassurant. Devant le peu d’enthousiasme des salariés, précise aujourd’hui l’entreprise, cette option a été supprimée.

Un an après, écroulement boursier de la fin de l’été et divers scandales aidant, le paysage apparaît profondément différent. Les salariés expriment un besoin certain de protection. Ce changement a été enregistré, avant la chute du CAC 40, par une enquête Hewitt-Société Générale, réalisée entre mai et août 2002, et rendue publique le 10 octobre 2002 (voir graphique ci-contre).

Que demandent massivement les salariés interrogés ? D’abord de bonnes conditions d’achat des actions, ce qui garantit les sommes investies d’une baisse de l’action, ensuite une limitation du risque. Bref, de la sécurité. Cet exemple montre bien le changement brutal qui affecte l’épargne salariale. Il s’explique aussi par l’importance de ces enjeux financiers. Celle-ci, qui permet de distribuer une part des résultats de l’entreprise aux salariés, regroupe plusieurs dispositifs. D’abord la participation obligatoire dans les entreprises de plus de 50 employés, ensuite l’intéressement, facultatif. Il s’y ajoute un éventuel abondement de l’employeur et les versements volontaires du salarié.

Ces sommes sont ensuite affectées à plusieurs dispositifs de placement (plans d’épargne d’entreprise, plans d’épargne interentreprises, plans partenarial d’épargne salariale volontaire, comptes courants bloqués, FCPE, Sicav ou, directement, actions ou obligations). Au total, selon l’Insee, 37,6 % des salariés en bénéficieraient en 2000 contre 22 % en 1997. Soit 5,6 millions de salariés inquiets.

A long terme. Les intervenants tentent de leur répondre. Certains soulignent les besoins d’une formation. « La sécurité, c’est aussi de constater que les bonnes performances se mesurent à long terme. Mais pour en juger, il faut être formé. Les salariés français le sont-ils ? », se demande Francis Wright, consultant chez Hewitt.

Mais surtout, ils insistent sur la sécurité qu’offrent certains placements. Et de rappeler cette étude du ministère du Travail (Dares) d’avril 2002 selon laquelle un tiers de la réserve spéciale de participation est placée sur compte courant bloqué et rémunérée à un taux fixe révisé tous les ans. Ils constatent le rôle sécurisant des plans d’actionnariat à effet de levier. Cette formule multiplie par 10 l’investissement du salarié (malgré l’effet pervers de l’endettement) et, en cas de baisse du cours, lui permet de récupérer sa mise initiale plus un intérêt annuel minime mais certain.

Enfin, après avoir incité les salariés à investir dans les actions de leur propre entreprise, ils proposent aujourd’hui des produits diversifiés. La Société Générale Asset Management, l’un des principaux acteurs du marché, va mettre sur le marché, le 15 octobre, un produit multi-entreprise protégé à la baisse par une garantie. Ces solutions sont aussi celles proposées par Christian Pellet, dirigeant du cabinet Sextant, qui conseille les comités d’entreprise.

En jouant la sécurité, les placements à taux fixe ou peu variable, ils rencontrent les besoins des salariés pour un revenu qui croît lentement mais sûrement. Cette concomitance pousse à se poser une question : un changement psychologique ne serait-il pas en cours conduisant à envisager l’épargne salariale moins comme un élément de patrimoine, variable, que comme une rémunération différée, quasiment certaine ?

Rémunération différée. Cette idée commence d’ailleurs à titiller les directeurs des ressources humaines. Ils se tenaient soigneusement à l’écart de la constitution de plans d’épargne salariale, lorsqu’elle était certainement un élément de patrimoine. Ils commencent à s’y intéresser alors qu’elle commence à ressembler à du salaire. « L’épargne salariale devient de la rémunération différée », confirme Luc Chandesris, délégué général de Fondact, une association visant à promouvoir la participation des salariés dans l’entreprise. Il ajoute : « L’intéressement ressemble de plus en plus à une prime d’objectif. » La Cour de cassation vient d’ailleurs de valider l’un de ces accords indexés sur la réduction du nombre d’accidents du travail (voir La Tribune du 10 octobre 2002).

D’autres sont adossés à des critères de fidélisation ou d’objectifs de délais de recouvrement. Depuis longtemps, les directions d’entreprise souhaitent articuler épargne salariale et rémunération. Selon une étude Hewitt, elles étaient 54 % dans ce cas. La crise boursière est aujourd’hui l’occasion de parvenir à cet objectif.

source: www.latribune.fr

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