COMITE D'ENTREPRISE

Les plans sociaux se multiplient depuis la rentrée

Les secteurs concernés ne sont pas seulement ceux qui furent entraînés dans la bulle Internet. Les entreprises de toute taille, dans toutes les régions, sont touchées. Au-delà des multinationales qui ont lancé des plans mondiaux, de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) souffrent de la conjoncture et réduisent massivement leurs effectifs, sans attendre une réforme des procédures de la loi de modernisation sociale promise par le gouvernement Raffarin.

Encore en début d’année, nombre de sociétés expliquaient que l’emploi ne serait plus la variable d’ajustement prioritaire pour diminuer rapidement les coûts. Elles annonçaient avoir tiré les enseignements des années 1990. Il n’en est rien. Les prévisions de croissance revues à la baisse pour 2002 et 2003, la baisse des carnets de commandes, la difficulté de se financer et la déprime boursière continue ont eu raison des bonnes intentions.

« La recrudescence des restructurations est essentiellement due à la détérioration économique et à la mauvaise santé financière des entreprises », constate Alain Schweitzer du cabinet Secafi qui aide les comités d’entreprise dans les procédures de restructuration. Selon lui, leur niveau d’endettement élevé ne leur permet pas de « traverser un trou d’air pour une durée indéterminée ». Conséquence ? « Les entreprises gèrent l’adaptation à la crise au coup par coup, sans stratégie industrielle pensée et réfléchie », ajoute-t-il. Les premières victimes de ce coup de frein sont les intérimaires, comme à l’usine Renault de Sandouville (Seine-Maritime) où 900 emplois vont être supprimés à la mi-octobre, ainsi qu’à Renault Trucks à Vénissieux (Rhône).« Contournement de la loi »

Le recours massif aux plans sociaux doit être lu comme un signal d’urgence. Jusqu’à présent, beaucoup d’entreprises cherchaient à éviter les procédures de licenciement collectif et réduisaient les effectifs discrètement. Selon des chiffres communément admis, 85 % des licenciements sont prononcés hors plans sociaux. « La tentation était forte de procéder avec le carnet de chèques pour des départs limités et étalés dans le temps. Ce n’est pas possible pour des restructurations massives », précise Gilles Bélier, avocat spécialiste du droit social.

« Notre législation n’est pas adaptée à la succession des plans de réorganisation, analyse Claude-Emmanuel Triomphe, délégué général de l’université européenne du travail.Nous avons fait semblant de croire que nous allions freiner le mouvement. En a découlé un plus grand contournement de la loi alors que, parallèlement, on se souciait moins du sort effectif des salariés. » Cet observateur prône une meilleure gestion prévisionnelle de l’emploi. « On concentre en France toutes les discussions sur l’emploi pendant les plans sociaux. Ce n’est pas quand la maison brûle qu’on peut se soucier de la trajectoire d’une personne. »

Qu’ils agissent pour le compte des entreprises ou au côté des représentants des salariés, les experts s’accordent à penser que la nouvelle loi, adoptée en période de croissance, « est morte avant d’être née » : « On attendait un droit en construction, on assiste à une déconstruction », relève Anne-Sophie Beauvois, du cabinet Sextant. « La loi de modernisation sociale est vraiment difficile à appliquer », commente Me Joël Grangé, avocat chez Gide, Loyrette, Nouel. Ce spécialiste du droit social n’est pas optimiste. « Je ne serais pas surpris qu’il n’y ait pas plus de dépôts de bilan dans les six prochains mois car des entreprises n’auront pas osé restructurer. » Pour M. Schweitzer en revanche : « Si compliquée soit-elle, la loi n’empêche pas les licenciements. Les partenaires sociaux acceptent d’accélérer les procédures s’il s’agit d’éviter le dépôt de bilan. »Protestations

Dans la pratique, la situation semble moins figée. Des entreprises ont mis en place des procédures plus souples de négociations avec les syndicats, via des accords de méthode, pour anticiper les conséquences sociales des restructurations économiques. En prévision des périodes de crise, d’autres ont étudié des plans prévisionnels de gestion de l’emploi ou de mobilité au sein des grands groupes. Dans les deux cas, la gestion des plans de restructuration dépend en réalité de la nature et de la qualité du dialogue social. Ailleurs, dans les situations d’urgence « on peut craindre une application bestiale des procédures », note Me Bélier qui craint « le retour d’un cycle dramatique rendant d’autant plus difficiles les reclassements dans des bassins d’emploi en plein marasme ».

Ces vagues de restructurations préfigurent-elles une multiplication des conflits avant les prochaines élections prud’homales de décembre ? Mardi 1er octobre, les salariés de la centrale thermique de la SNET à Carling (Moselle), ont séquestré pendant vingt-quatre heures cinq cadres de l’entreprise, dont le directeur, pour demander le report d’un plan de suppression d’emplois concernant 222 des 550 salariés du site. Le même jour, des salariés de Mitsubishi Electric à Etrelles (Ille-et-Vilaine) sont venus protester à Paris contre la fermeture programmée de leur usine. Ceux d’Aventis à Romainville (Seine-Saint-Denis) ont prévu de manifester mercredi alors que l’entreprise, selon les syndicats, envisage de réduire de 45 % ses effectifs dans la recherche. De leur côté, les syndicats d’Alcatel ont lancé un appel à la grève pour jeudi sur tous les sites du groupe en France et, pour la première fois, en Europe.

source : www.lemonde.fr

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