COMITE D'ENTREPRISE

La révolte payante des télésalariés

a mobilisation a fini par payer. Les 216 salariés de la société de télémarketing Euro CRM, située au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), en conflit avec leur direction depuis le 28 juin, ont obtenu gain de cause. Ils seront payés. A l’origine du conflit, la perte par l’entreprise en mars dernier de son principal client, Noos. A la fin juin, la directrice générale, Pia Heinz-Casanova, annonce aux salariés le transfert de leurs contrats de travail aux nouveaux call-centers, prestataires de Noos. En réalité, Euro CRM n’ayant pas été racheté, il n’a jamais été question de transférer qui que ce soit.

Le 1er juillet, Pia Casanova ferme les portes de sa société. Dans cette entreprise au turnover fréquent, les salariés, 25 ans en moyenne, n’ont jamais plus de deux ans d’ancienneté, et aucun n’est syndiqué. Le comité d’entreprise fait appel aux syndicats, qui portent l’affaire devant le tribunal de grande instance de Paris. Le TGI contraint Euro CRM à conserver ses employés et à payer les salaires de juillet. La direction demande alors à ses employés de venir pointer tout le mois d’août «pour reconstituer les dossiers», alors qu’il n’y a plus ni client, ni outils de travail dans les locaux. Comme si l’activité d’Euro CRM se maintenait, histoire d’éviter un dépôt de bilan et un plan social. «On s’est retrouvés à jouer à la PlayStation !», s’insurge un employé.

«Humiliés». Le 4 septembre, une réunion du CE avec la direction relance le conflit : les salariés apprennent en effet qu’on ne leur paiera pas le mois d’août. Pia Casanova explique alors que «c’était parfaitement impossible (de payer les salaires) si on voulait redresser l’entreprise». Révoltés et «humiliés», les employés décident jeudi d’occuper les locaux. Sous la pression de la cinquantaine de salariés massés devant la salle de réunion, les négociations reprennent entre la direction, les élus du CE et des représentants syndicaux (CFDT, CGT) venus en soutien. Côté salariés, l’ambiance oscille entre colère et fête. Ils scandent «nos salaires !» en dansant aux sons d’instruments improvisés sur place, montrant une solidarité à toute épreuve. «Cette cohésion salariale a forcé même les syndicats à travailler ensemble», confie un représentant de la CFDT venu participer aux négociations. Elles vont durer treize heures, pendant lesquelles la directrice est bloquée dans la salle : «On la laissera même pas pisser avant d’avoir nos salaires !», hurlent les salariés, «Les flics croient qu’on la séquestre, mais c’est nos salaires qu’on séquestre !», ironise Fran cky. En effet, quelques agents des renseignements généraux sont postés en face de l’immeuble, rue Babeuf.

Victoire. Vers une heure du matin un protocole d’accord est signé : la direction concède le paiement intégral des salaires d’août aux salariés. «Hier on nous donnait rien, après treize heures de négociations on a tout eu : des vrais marchands de tapis !», conclut Salim vendredi matin après la nuit sur les lieux. Pour Pia Casanova «avec une direction séquestrée et menacée, les syndicats ont gagné». Les salariés continuaient d’occuper les lieux vendredi, dans l’attente de la confirmation des paiements. Lundi, les discussions reprendront pour définir un plan social, suite à la mise en liquidation judiciaire de la société, qui n’aura pu être évitée.

source : www.liberation.fr

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