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Emplois, crédits : ce que prévoit le budget Raffarin pour 2003

Elles devaient rester secrètes. Telle était la consigne de Jean-Pierre Raffarin en faisant parvenir à ses ministres, le 7 août, les lettres plafond pour 2003 qui répartissent, administration par administration, les moyens alloués à l’Etat.

Ces lettres, dont Le Monde détient les copies, dévoilent les intentions du gouvernement au moment où celui-ci prépare le budget 2003.

On apprend ainsi que 3 404 postes devraient être supprimés dans l’enseignement, du fait du départ de 5 600 surveillants, alors même que ce gouvernement prône la discipline à l’école et la restauration de l’autorité de l’Etat. A Bercy, où les suppressions de postes étaient gelées depuis l’échec de la réforme du ministère en 2000, le gouvernement mise sur 1 385 emplois budgétaires en moins. Le ministère de l’équipement, lui, compterait 747 départs à la retraite qui ne seraient pas remplacés en 2003.

Cependant, le budget 2003 ménage plutôt les fonctionnaires puisque, au total, seuls 1 619 postes seraient supprimés l’an prochain alors que 58 000 agents de l’Etat doivent partir à la retraite en 2003. M. Raffarin, qui avait déclaré dans son discours de politique générale, le 3 juillet, que les départs à la retraite des fonctionnaires ne seraient « pas systématiquement remplacés », a choisi de rester prudent. Et préféré les redéploiements des effectifs entre différents ministères. Ainsi, au ministère de l’intérieur, 1 884 emplois doivent être créés, dont 1 000 sur des postes administratifs et techniques. A la justice, la lettre plafond annonce 1 926 nouveaux emplois budgétaires, pour l’essentiel à la chancellerie.

Au-delà des effectifs, les lettres plafond mettent bien en évidence les « priorités budgétaires » sur lesquelles le premier ministre insiste dans sa lettre du 7 août : « la sécurité publique, la justice, l’aide publique au développement, la baisse des charges et la remise à niveau des crédits d’équipement militaire ». Les ministères gagnants du budget 2003 sont, en effet, l’intérieur, qui voit ses crédits augmenter de 2,08 %, la justice (+ 7,41 %), la défense (+ 6,11 %) et les affaires étrangères (+ 13,99 %). Parmi les perdants, il faut d’abord noter le portefeuille du travail : ses crédits baissent de 6,34 %, sous l’effet, notamment, d’économies sur les emplois-jeunes. Le ministère de la culture et de la communication voit, pour sa part, son budget réduit de 5,46 %, et celui de l’aménagement du territoire, de 5,80 %. Enfin, le budget de la recherche baisse de 1,31 %.

« Ainsi que je vous l’ai indiqué dans ma lettre du 5 juillet 2002, la croissance des dépenses de l’Etat en 2003 sera limitée à 0,2 % en volume », écrit le premier ministre à ses équipes. Ce chiffre de 0,2 % est en fait calculé à partir du collectif budgétaire voté cet été, intégrant des dépenses qui n’apparaissaient pas dans la loi de finances initiale pour 2002. Hors inflation, cela signifie que les dépenses publiques passeront de 266,365 milliards d’euros dans le budget 2002 à 269,472 milliards en 2003. Soit une augmentation en volume de 1,2 %. Si l’on émet l’hypothèse que l’inflation sera de 1,5 % en 2003, ce seront quelque 273,5 milliards d’euros de dépenses de l’Etat qui seront inscrites dans le projet de loi de finances pour 2003. Ces chiffres, qui sont moins rigoureux que les objectifs que se donnait le gouvernement de Lionel Jospin chaque année, intègrent le dérapage des dépenses de l’Etat que M. Raffarin a constaté à son arrivée à Matignon. Mais l’ancien premier ministre n’est pas seul responsable de cette évolution : ces chiffres tiennent compte également des nouvelles dépenses engagées par M. Raffarin pour renforcer la police ou la justice, par exemple.

Les informations contenues dans les lettres plafond envoyées par M. Raffarin sont encore susceptibles d’évoluer. Le gouvernement s’est en tout cas donné une semaine supplémentaire pour réfléchir, puisque la date d’examen du projet de loi de finances 2003 en conseil des ministres a été repoussée du 18 au 25 septembre. Le premier ministre a, en effet, rendu des arbitrages cet été en faisant l’hypothèse que la croissance serait de 3 % en 2003. On sait aujourd’hui que ce ne sera pas le cas. Le gouvernement n’a officiellement pas arrêté l’hypothèse qu’il retiendra pour construire son budget, mais tous les experts s’accordent à anticiper une croissance qui serait plus proche des 2,5 %, voire des 2 %, et M. Raffarin a admis, le 26 août, que la perspective d’une croissance de 3 % en 2003 s’éloignait.

PAS À LA HAUTEUR

Dans ce contexte, le gouvernement aura énormément de mal à boucler son budget. Surtout s’il souhaite respecter les promesses de Jacques Chirac, c’est-à-dire, dans le même temps, alléger les charges, baisser l’impôt sur le revenu, financer ses priorités tout en réduisant le déficit budgétaire, qui devrait atteindre 46 milliards d’euros en 2002. Les recettes de l’Etat en 2003 ne seront pas à la hauteur des espoirs du président de la République lorsqu’il était en campagne électorale. D’abord, parce que le ralentissement de 2002 a été plus brutal que prévu et qu’une grande partie des recettes de 2003 — plus du tiers — dépend des revenus de l’année précédente. Ensuite parce que le rebond de l’économie française sur un rythme de 3 % en 2003 ne semble pas devoir avoir lieu. Au-delà de l’aspect purement national des choix budgétaires que s’apprête à faire ce gouvernement, l’avenir du pacte de stabilité est également en cause. Si la France renonçait à réduire ses déficits publics en 2003, alors que ceux-ci devraient atteindre 2,6 % du PIB en 2002, elle enverrait un signal très négatif sur ses intentions de ramener ses finances publiques à l’équilibre en 2004, conformément à ses engagements européens. Lors du sommet de Séville en juin, le gouvernement avait fait un premier pas dans cette direction : il s’engageait à équilibrer ses comptes publics d’ici à deux ans, mais à la condition que la croissance soit de 3 % en 2003 et en 2004.

Virginie Malingre et Patrick Roger

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3 ou 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires

Le gouvernement craindrait-il de ne pouvoir tenir les objectifs qu’il s’est fixés dans la loi de finances rectificative pour 2002 adoptée en juillet ? C’est en tout cas ce que laisse supposer la note confidentielle que Bercy a adressée aux ministres, le 12 août, et que publie Le Canard enchaîné daté du 4 septembre. Dans cette missive, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, Francis Mer, et le ministre délégué au budget, Alain Lambert, définissent les « mesures conservatoires permettant le respect des engagements en matière de déficits publics ».

Entre autres astuces budgétaires, telles que des annulations de crédits, Bercy suggère de « mettre en réserve », autrement dit de geler, des crédits d’équipement et de reporter leur consommation sur l’exercice suivant. M. Mer et M. Lambert annoncent même, en conclusion de leur courrier, que « ces mesures pourront, dès septembre, faire l’objet d’adaptations ». Au total, 3 à 4 milliards d’euros seraient concernés par ces reports ou annulations.

source : www.lemonde.fr

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