COMITE D'ENTREPRISE

Une rentrée sociale à pièges pour Jean-Pierre Raffarin

La rentrée sera sociale et minée. Le ministre (UMP-RPR) des affaires sociales, François Fillon, doit recevoir, à partir de mardi, l’ensemble des partenaires sociaux : la CGT, la CFTC et FO le 27 août ; la CGC, la CFDT et l’UPA (Union professionnelle artisanale) le 28 ; la CGPME et l’UNAPL (Union nationale des professions libérales) le 29 ; et, enfin, le Medef le 2 septembre, après son université d’été.

Il s’agit officiellement, au cours de ces rencontres, de préparer un projet de loi qui lie les trois dossiers que sont l’assouplissement des 35 heures, l’harmonisation des smics et les allégements de charges patronales. Ce texte devra être examiné au Parlement en octobre. Officieusement, il s’agit aussi, pour le gouvernement, d’essayer d’amadouer ses interlocuteurs, qui pourraient se montrer plus offensifs dans les semaines à venir qu’ils ne l’ont été jusqu’ici. Car, de leur point de vue, les sujets d’inquiétude et de conflit ne manquent pas.

A l’heure où la reprise économique se fait attendre et où les plans sociaux menacent de se multiplier, les syndicats redoutent une détérioration de l’emploi. Ils savent que le Medef réclame l’abrogation de la loi dite « de modernisation sociale », adoptée en 2001, et plus particulièrement de son volet qui durcit les conditions de licenciement. L’avenir des fonctionnaires, dont le gouvernement veut abaisser le nombre, sera sans aucun doute évoqué, lui aussi, par les syndicats. Les fédérations de l’énergie appellent déjà l’ensemble des agents d’EDF-GDF à une journée d’action le 3 octobre. A Bercy, où l’on craint des suppressions de postes dès 2003, la tension monte.

ASSOUPLIR LES 35 HEURES

A plusieurs reprises, M. Fillon a assuré que « la durée légale du travail ne [serait] pas remise en cause ». Le plafond des heures supplémentaires, aujourd’hui de 130 heures par an et par salarié, sera rehaussé. Le Medef demande qu’il soit porté à 200 heures, la CGPME à 180 heures. Les deux organisations patronales souhaitent en tout cas que cela se fasse rapidement. Les syndicats, eux, veulent négocier avant que tout décret sur le sujet soit publié. M. Fillon pourrait proposer aux partenaires sociaux la mise en place d’un contingent d’heures supplémentaires « transitoire », le temps que les branches négocient.

HARMONISER LES SMICS

On compte aujourd’hui six smics mensuels en France, qui diffèrent selon le nombre d’heures travaillées par semaine, mais aussi pour ceux qui sont déjà aux 35 heures (40 % des salariés) , en fonction de la date de mise en place de la réduction du temps de travail. L’écart le plus élevé entre ces différents salaires minimum est de 11,4 %. M. Fillon souhaite s’attaquer à ce problème dès 2003. Les partenaires sociaux sont aujourd’hui d’accord pour que l’harmonisation des smics se fasse par le haut, même s’ils divergent encore sur la durée de ce processus. La loi sur les 35 heures prévoit que ce problème soit réglé en 2005, mais rien n’empêche le gouvernement, dans le projet de loi en préparation, de repousser cette échéance.

ALLÉGER LES CHARGES DES ENTREPRISES

Le gouvernement s’est engagé à augmenter les allégements de charges patronales, qui représentent aujourd’hui 15,6 milliards d’euros, dont 5 milliards d’euros au titre de la « ristourne Juppé » sur les bas salaires et 8,8 milliards d’euros au titre des allégements supplémentaires liés au passage aux 35 heures. Dans un entretien au Journal du dimanche, le 28 juillet, M. Fillon déclarait effectivement qu’ils allaient « augmenter », de façon à « compenser l’harmonisation des smics » et « même un peu plus, puisque l’objectif est de réduire le coût du travail » pour les entreprises. Le chiffre de 19 milliards d’euros d’allègements à terme était alors évoqué. Aujourd’hui, son entourage est plus prudent : « Il y a plusieurs scénarios, y indique-t-on. Certains se traduisent par un allégement net de charges, d’autres laissent un reliquat à la charge des entreprises. »

Ce qui semble acquis, aujourd’hui, c’est que les 34 dispositifs d’allégements de charges qui existent seront fondus pour n’en faire plus qu’un, totalement indépendant de la durée de travail. Le ministre de l’économie, Francis Mer, qui considérait que les aides accordées aux entreprises pour mettre en place les 35 heures devaient être supprimées, dès lors que la réduction du temps de travail serait assouplie, n’a pas été écouté. Dans Le Journal du dimanche, M. Fillon déclarait qu’il faut « concentrer les baisses de charges sur les tranches de salaires où elles sont le plus efficaces pour l’emploi, c’est-à-dire, selon [lui], entre 1 et 1,7 smic », alors que les baisses de charges liées aux 35 heures aujourd’hui concernent les salaires compris entre 1,3 et 1,8 smic. « Il s’agit, en quelque sorte, d’amplifier la ristourne Juppé », qui va jusqu’à 1,3 smic, développe-t-on dans l’entourage du ministre.

FACILITER LES LICENCIEMENTS

Le patronat réclame haut et fort, depuis plusieurs mois, l’abrogation du volet de la loi de modernisation sociale qui durcit les conditions de licenciement. Dans son programme électoral, Jacques Chirac s’était engagé à le satisfaire. Les hésitations de la conjoncture et la reprise des plans sociaux rendent plus difficile un tel retour en arrière. Lors de son intervention télévisée du 14 juillet, le président déclarait, à propos de la loi de modernisation sociale : « C’est l’enfer pavé de bonnes intentions », avant d’annoncer une « révision concertée des règles de licenciement ».

Le gouvernement ne devrait pas revenir sur le doublement des indemnités de licenciement. En revanche, la question se pose pour les délais imposés pour mettre en oeuvre des plans sociaux et sur l’intervention de médiateurs. Qui plus est, le 14 juillet, M. Chirac s’est dit favorable à la proposition de M. Fillon de créer une structure de « veille » dans les régions afin d’organiser une « meilleure gestion en amont des plans sociaux ».

PRÉPARER LA RÉFORME DES RETRAITES

Ce n’est pas, aujourd’hui, la première priorité du gouvernement, qui évoque une décision sur le sujet au premier semestre 2003. M. Fillon ouvrira donc sans doute le chantier des retraites cet automne. Encore faudrait-il que la question des retraites complémentaires soit réglée d’ici là. Le 31 décembre 2002, le dispositif qui permet aux salariés de percevoir leur retraite complémentaire (Agirc ou Arrco) à taux plein avant 65 ans arrive à expiration. Les partenaires sociaux doivent se rencontrer le 3 septembre pour envisager l’avenir de ce système.

RÉFORMER L’ÉTAT

La mauvaise santé des marchés boursiers compromet les projets de privatisations du gouvernement. Dans certaines entreprises, cependant, les syndicats se préparent : l’ensemble des organisations syndicales d’EDF-GDF ont appelé à une manifestation nationale le 3 octobre pour protester contre les projets de M. Raffarin. Mais c’est du côté de la fonction publique qu’apparaissent les plus gros risques pour le premier ministre. Celui-ci s’est engagé à supprimer des postes dans la fonction publique, en profitant des nombreux départs à la retraite à venir. Il pourrait commencer dès 2003. A Bercy, FO Finances s’attend à plus de 3 000 suppressions de poste dans les deux ans.

Défaillances d’entreprise en forte hausse

En un an, d’avril 2001 à mars 2002, le nombre de défaillances d’entreprise jugées s’est élevé à 38 823, soit une hausse de 12,2 % par rapport aux douze mois précédents, selon les chiffres publiés, jeudi 22 août, par l’Insee. Pour le seul mois de mars, 3 473 défaillances ont été jugées, contre 1 809 le mois précédent. Cette forte hausse atteint tous les secteurs de l’activité, mais elle est particulièrement notable pour l’industrie, qui passe de 262 défaillances jugées en février à 514 en mars, pour le bâtiment (781 jugements en mars contre 378 le mois précédent) et le commerce (965 contre 405 en février). Le phénomène connaîtrait également une accélération dans les « grosses » entreprises, réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (Les Echos daté 23-24 août)

Les statistiques de défaillance couvrent l’ensemble des jugements prononcés, soit l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, soit directement la liquidation judiciaire. Elles ne tiennent pas compte de l’issue des procédures : redressement par continuation ou reprise, ou liquidation.

source : www.lemonde.fr

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