COMITE D'ENTREPRISE

La fin programmée de la gratuité des secours divise élus et sauveteurs

Deux noyades dans une rivière de Corse-du-Sud à cause d’une crue qui a nécessité l’hélitreuillage de 19 personnes, une journée de recherches inutiles dans le massif de l’Oisans pour retrouver un randonneur qui est rentré tout seul chez lui, sain et sauf…

Le week-end du 15 août pourrait fournir des arguments aux partisans comme aux adversaires du paiement des opérations de sauvetage par ceux qui en bénéficient.

Spécificité française remontant au XVIIIe siècle, le principe de la gratuité des secours pourrait, en effet, être définitivement mis à mal par l’article 54 de la loi sur la démocratie de proximité, votée en février. Ce texte étend à « toute activité sportive et de loisir » la possibilité pour les communes d’exiger « des intéressés ou de leurs ayants droit » le remboursement de « tout ou partie » des frais de secours « engagés à l’occasion d’accidents consécutifs à la pratique » de ces activités. C’est la loi montagne de 1985 qui avait pour la première fois donné cette option aux maires, responsables de l’organisation des secours sur leur territoire, mais son champ d’application se limitait jusque-là au ski alpin et au ski de fond.

Cette fois, sitôt que le décret d’application de la loi de février sera publié, randonneurs, véliplanchistes, VTTistes ou simples ramasseurs de champignons victimes d’accidents pourront se voir présenter la note. De 3 000 à 7 000 euros pour une intervention banale nécessitant le recours à l’hélicoptère, la note peut monter à 70 000 euros, voire davantage, pour un sauvetage nécessitant la présence de dizaines de secouristes pendant plusieurs jours. A l’origine de l’article 54, le sénateur (UDF) Jean Faure, également maire de la station d’Autrans (Isère), tire argument de l’opération menée en juillet 1996 au gouffre Berger, dans le Vercors, pour secourir six spéléologues, dont deux sont décédés. La facture du sauvetage, qui avait duré près d’une semaine et mobilisé près de 300 personnes, s’était élevée à 1 million de francs, dont 300 000 francs à la charge de la commune, « soit le tiers de son budget », précise M. Faure. Une subvention du conseil général avait finalement permis de couvrir les frais.

« Compte tenu du développement des activités d’été comme la randonnée, l’escalade ou le parapente, les interventions de secours n’ont cessé de s’accroître, et le budget communal a les plus grandes difficultés à supporter leur prise en charge », affirme Raymond Bimet, maire de la petite station de Sainte-Foy-Tarentaise (Savoie). Le 16 mai, son conseil municipal a voté une délibération l’autorisant à répercuter la totalité des frais de sauvetage quelle que soit l’activité pratiquée.

Celui de Chamonix (Haute-Savoie) n’a pas l’intention pour l’instant de lui emboîter le pas. « Ce dossier est extrêmement compliqué et le remède peut être pire que le mal », estime le maire (DVD) Michel Charlet, faisant allusion à la disparité des situations entre les communes disposant de moyens de secours publics pris en charge par l’Etat (gendarmes, CRS) et celles qui n’en ont pas. M. Charlet souhaite que l’ensemble des élus de stations se concertent afin d’adopter une attitude commune. Dans le massif du Mont-Blanc, une cinquantaine de gendarmes du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) sont chargés des secours. Compte tenu du nombre d’accidents, il arrive néanmoins aux maires d’être contraints de faire appel à un hélicoptère privé à la charge de la commune, puisque, jusqu’à présent, ils ne pouvaient facturer cette prestation. Sur les 1 200 interventions enregistrées chaque année en Haute-Savoie, 75 % concernent la vallée de Chamonix.

« COMPORTEMENTS IMBÉCILES »

Jean Faure se défend toutefois de vouloir remettre en cause le principe de la gratuité des secours, assurés pour l’essentiel par la gendarmerie, les CRS et les sapeurs-pompiers. « Il ne s’agit que d’une participation aux frais, dont le montant est laissé à l’appréciation des communes », garantit le sénateur, qui, de cette façon, espère « responsabiliser les pratiquants, limiter les actes d’imprudence et les comportements imbéciles ».

Pour le lieutenant Paul Pelcener, chef de section de la CRS des Alpes, les abus restent néanmoins l’exception. Il craint en revanche que les secours payants aient un effet inverse à celui escompté et qu’une attitude consumériste se développe. « Les gens exigeront un service avec une obligation de résultat », prédit-il. Les fédérations sportives s’inquiètent également de ce nouveau coup porté au principe de solidarité, et le Club alpin français (CAF) vient d’écrire au ministre des sports, Jean-François Lamour. « Nous sommes attachés au principe de la gratuité, au maintien des secours dans le domaine du service public et à l’égalité d’accès et de traitement pour tous les citoyens. Le plus grave serait que l’Etat profite de ce nouveau contexte pour se désengager de tout ou partie de son rôle », s’inquiète Jean Mudry, président national du CAF.

« Le service public de secours existe et fonctionne bien. La prestation privée n’a sa place qu’en complémentarité avec lui », réplique Bernard Airenti, directeur de la sécurité civile en Savoie. Dans ce département, une société privée, SAF Hélicoptères, figure depuis 1989 dans le plan de secours. Jusqu’à présent, elle ne pouvait intervenir qu’en hiver, en particulier dans la Tarentaise, berceau des plus grandes stations de ski françaises. A l’avenir, elle pourrait étendre son activité toute l’année. « Nous sommes disponibles. Mais le pouvoir appartient aux maires et au préfet. Il est hors de question de déclencher une guerre des secours. Ce n’est pas mon éthique », affirme son PDG, Eric Fraissinet.

Mais les défenseurs de la gratuité craignent que l’Etat, engagé dans une politique de rapprochement entre gendarmerie et police, ne soit tenté de redéployer les moyens mobilisés pour le secours sur des missions de police, plus directement liées à leur coeur de métier. L’idée d’un transfert de charges vers les pompiers des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), dont la mission est l’aide d’urgence aux personnes victimes d’accidents, a ses partisans. Ces derniers voient là l’occasion de dédommager les communes d’une partie de leur contribution aux SDIS. C’est la position défendue par Joseph Fournier, président du conseil d’administration du SDIS de Haute-Savoie et vice-président (UMP) du conseil général. Evoquant une nécessaire « opération vérité sur le coût des secours », il affirme être prêt à passer des conventions avec les communes en vue d’établir « une tarification des interventions ».

Pour l’heure, la perspective d’une participation financière pose aux particuliers la question du recours aux compagnies d’assistance ou d’assurances, les contrats ne couvrant pas toutes les activités d’été. Questionner son assureur à propos des risques couverts n’est donc pas superflu. « Nous réfléchissons à la création d’un produit spécifique montagne », indique Yves Galland, président d’Europe Assistance. Le risque est en effet d’aboutir, l’été, à la situation que l’on connaissait déjà l’hiver avec le ski, où, selon le type de sauveteurs impliqués, le secours sera gratuit quand les CRS ou les gendarmes interviennent ou payant.

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Lourd bilan pour les randonnées en montagne

En montagne, 87 morts lors de l’été 2001, contre 102 à l’été 2000. Le nombre des interventions et celui des personnes secourues ont respectivement baissé de 4 % et de 10 %. Entre le 1er juin et le 30 septembre 2001, le Système national d’observation de la sécurité en montagne (SNOSM) a recensé 2 295 interventions. L’hélicoptère a été le moyen le plus utilisé (1 923 interventions, 500 fois par mois en moyenne). Pour l’année 2002, la tendance semble être alignée sur 2001.

Plus de la moitié des interventions des secours de montagne en 2001 ont concerné des personnes qui pratiquaient la randonnée pédestre, 19 % l’alpinisme et 22 % d’autres types de loisir. L’alpinisme est l’activité où les accidents graves sont les plus nombreux, mais la randonnée pédestre se révèle la plus meurtrière, avec 45 morts (contre 30 en alpinisme).

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En Méditerranée, série noire pour les plongeurs.

Depuis le début de l’été, huit personnes sont mortes et une est portée disparue lors de plongées en Méditerranée. En 2001, sur le littoral méditerranéen, 26 personnes sont mortes en mer, et 4 portées disparues, dont 8 plongeurs.

source : www.lemonde.fr

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