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De Metz à Quimper, nouvelle vague d'arrêtés antimendicité

Jean-Marie Rausch , le maire (divers droite) de Metz, a dit tout haut ce que beaucoup de municipalités pensaient tout bas. En présentant, le 2 juillet, ses trois arrêtés contre la mendicité, le regroupement de chiens et la prostitution, il a expliqué franchement qu’avec la victoire de la droite « l’état d’esprit [avait] changé » et que des « mesures devaient être prises ».

Sept ans après la première vague d’arrêtés prohibant la mendicité expressément ou à mots couverts , plusieurs municipalités viennent de publier des textes de la même veine : Angoulême (Charente), Argenteuil (Val-d’Oise), Brunoy (Essonne), Castres (Tarn), Metz (Moselle), Montauban (Tarn-et-Garonne), Orléans (Loiret), Quimper (Finistère), Troyes (Aube), Vallon-Pont-d’Arc (Ardèche)…

Depuis le début du printemps, toutes ces communes ont adopté une série de mesures pour sanctionner les comportements jugés désagréables de populations plus ou moins défavorisées sur le domaine public.

Certaines, comme Brunoy ou Metz, interdisent explicitement la mendicité aux intersections routières, dans les parkings et en centre-ville. D’autres manient l’euphémisme en s’attaquant aux « occupations abusives et prolongées [de l’espace public], accompagnées ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants ». A Grenoble (Isère), un public spécifique est visé : les jeunes errants accompagnés de chiens.

TENDANCE À LA HAUSSE

Ces initiatives n’ont rien d’exceptionnel, surtout en période estivale : en 1995 et en 1996, une trentaine de communes, souvent touristiques ou festivalières, avaient pris des arrêtés du même type (Le Monde du 5 mai 1997). Mais le phénomène semblait avoir marqué le pas. Même si l’Association des maires de France (AMF), selon son président Daniel Hoeffel, n’a pas dressé d' »inventaire » exhaustif de ces textes, la tendance est à la hausse : en 2001, quatre communes avaient été recensées comme ayant édicté des réglementations liées à la mendicité ou à la présence sur la voie publique de personnes plus ou moins désocialisées : Annecy (Haute-Savoie), Cahors (Lot), Rouen (Seine-Maritime) et Tours (Indre-et-Loire). Cette année, elles sont au moins onze si l’on ajoute Bordeaux (Gironde), qui a pris un « arrêté antibivouac » en janvier (Le Monde du 25 mai).

Comment expliquer cette poussée inflationniste ? L’alternance a incontestablement eu un impact, et la préoccupation sécuritaire du nouveau gouvernement a conforté nombre de maires dans l’idée qu’ils devaient agir pour préserver la tranquillité de leurs administrés.

En outre, l’apparition d’une industrie de la mendicité, qui recrute parfois des infirmes et des handicapés venus de l’est de l’Europe (Le Monde du 13 juillet), a incité quelques municipalités à durcir le ton. Georges Mothron, maire (UMP) d’Argenteuil et député du Val-d’Oise, a invoqué ce phénomène, qui « entrave la libre circulation des personnes et des véhicules » et « porte atteinte à la dignité humaine ». L’arrêté qu’il a pris se pare même de prétentions humanitaires, puisqu’il cite la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789… La municipalité de Brunoy a, elle aussi, voulu faire preuve de fermeté face au comportement « agressif » de certains mendiants, qui semblent travailler « en réseau », explique Valérie Ragot, directrice de cabinet du maire. « Ces personnes arrivent le matin, dans des voitures luxueuses, et repartent le soir, dans les mêmes véhicules », ajoute-t-elle.

« VINDICTE PUBLIQUE »

Enfin, dernière nouveauté, il arrive que des villes, comme Orléans (Loiret) ou Metz, opèrent un tir groupé en adoptant simultanément des dispositions contre l’occupation intempestive de l’espace public, l’exercice de la prostitution, l’errance de très jeunes mineurs tard le soir… Jean-Paul Péneau, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), désapprouve cette approche répressive, qui amalgame des groupes divers et les livre à la « vindicte publique ». Quelle est l’utilité des textes consacrés, de près ou de loin, à la mendicité, s’interroge Aline Osman, de la Fnars ? La législation existante est suffisamment étoffée pour sanctionner les excès, estime-t-elle. Quant aux problèmes de fond, ils sont escamotés : « C’est de la contre-insertion », s’indigne-t-elle.

Les mairies, elles, sont plutôt satisfaites du résultat. Selon Agnès Hugonin, conseillère municipale à Grenoble, déléguée à la prévention et à la sécurité, le nombre de « zonards » a diminué « de façon notoire » dans les périmètres concernés par l’arrêté. « Ils se sont déplacés vers d’autres quartiers de la ville, ce qui permet d’avoir un seuil supportable pour tout le monde, explique-t-elle. La police est intervenue en douceur. » Même constat à Rouen, où après les mesures prises en 2001, l’occupation des rues piétonnes par quelques jeunes ne s’est « pas reproduite », selon François Planchon, chef de cabinet du maire (UDF).

Tous ces textes pourraient bien être attaqués devant le tribunal administratif par Droit au logement (DAL). Depuis plusieurs années, l’association a souvent saisi la justice dans ce type d’affaires, avec des fortunes diverses. En décembre 2001, l’arrêté du maire de Tours avait été invalidé car les troubles à l’ordre public invoqués n’avaient pas été prouvés avec suffisamment de force, aux yeux du juge.

Couvre-feu pour un tag dans le Vaucluse

Le maire divers droite de Sarrians, 5 500 habitants, dans leVaucluse, au sud-est d’Orange, a instauré un couvre-feu pour les moins de 13 ans non accompagnés, dont la circulation est interdite de 22 heures à 6 heures pendant l’été. Le maire, Henri Martin, entend lutter contre « les dégradations », qui « coûtent cher à la commune ».

Le maire fait notamment allusion à un tag sur un mur « repeint cinq fois en trois mois », représentant Oussama Ben Laden dans un avion avec la mention « Nique le maire », ou à des tuiles cassées sur le toit des écoles, qui ont nécessité la réfection de l’isolation.

source : www.lemonde.fr

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